Les lettres à Timothée et à Tite (2024)
Collection Mon ABC de la Bible
Aux éditions le CERF
Telles que nous les trouvons dans nos Bibles, les treize lettres attribuées à Paul ont été rangées par ordre de longueur décroissante. d’abord neuf lettres adressées à des communautés, depuis celle aux Romains (seize chapitres) jusqu’à la deuxième aux Thessaloniciens (trois). Viennent ensuite quatre lettres destinées à des personnes individuelles, la première à Timothée (six chapitres), suivíe de la deuxième à Timothée (quatre), de la lettre à Tite (trois), et finalement du petit billet à Philémon qui, lui, ne compte que des versets. Sans le savoir peut-être, sans nous en douter, en étudiant les trois dernières lettres (1- Tm, 2Tm, Tt), nous venons de débarquer sur un chantier en pleine reconfiguration.
Un réalignement en cours
Ces trois lettres, estime-t-on généralernent, doivent être les plus tardives intégrées à la correspondance paulinienne. Parce qu’elles présentent entre elles beaucoup d’affinités, l’approche dominante a été, pendant longtemps, une approche cumulative, consistant à les aborder comme un tout. Comme si les trois n’en faisaient qu’une. Comme si elles formaient un ensemble unifié du point de vue littéraire et théologique. Comme si les données de chacune étaient à porter au compte des trois et, en s’addition- nant, devenaient autant de caractéristiques d’un corpus couramment désigné comme « les lettres » ou « les épîtres pastorales ».
Les illustrations en ce sens ne manquent pas. Parfois dus à des exégètes de haut vol, c’est à la dizaine qu’on peut aligner les titres d’ouvrages et d’études, du genre « Les veuves dans les épîtres pastorales » , alors que, des veuves, il n’est question qu’en un dernier-chapitre de 1 Tm (5, 3-16) et jamais dans les deux autre ou encore « Les ministères dans les lettres pastorales », alors qu’en référence à la trilogie caractéristique, épiscope- presbytres-díacres, il est bien question des trois en 1 Tm, des deux premiers seulement en Tt et d’aucun d’eux en 2 Tm.
Un autre exemple encore ? Les lettres affichent une attitude polémique à l’égard d’un enseignement «malsain » dommageable pour les communautés croyantes. Si l’on considère isolément les indications de chacune des lettres à ce sujet, il est bien difficile de se faire une idée quelque peu précise de ce qui semble tellement les préoccuper. Aussi bien, des auteurs se mettent-ils en frais de reconstituer le visage de l’ « hérésie » et des «hérétiques )) en mettant bout à bout l’ensemble des données présentes dans les trois lettres, comme si elles se rapportaient toutes à un seul et même dérapage à l’intérieur d’une seule et même communauté. De proportion modeste si l’on s’en tient au contenu de chacune des lettres, l'< hérésie > acquiert ainsi, par accumulation, plus de consistance. Même sí, d’un écrit à l’autre, les choses s’avèrent parfois difficiles à concilier.
Depuis la fin des années 1980, la recherche sur les « pastorales » fait place à une réaction à l’encontre de cette lecture agglomérante. Elle souligne l’importance du principe méthodologique, valable pour l’ensemble du Nouveau Testament,
selon lequel chaque écrit doit être abordé pour lui-même, sans en additionner ou mélanger les données avec celles des autres. ll ne s’agit pas, en l’occurrence, de nier les affinités évidentes entre les trois lettres. Mais ne faut-il pas également tenir compte des différences tout aussi indéniables dont elles témoignent, en particulier la deuxième à Timothée par rapport aux deux autres ? C’est cette approche individuelle, d’abord attentive au témoignage de chacune, que nous adopterons dans notre exploration des trois écrits.
Paul ? Après Paul ? Paul et après Paul ?
Les introductions à ces lettres ont l’habitude de faire large place à la question, un peu obsessionnelle, de l’authenticité paulinienne. Les « pastorales » sont-elles à attribuer à l’apôtre au même titre que, par exemple, les lettres aux Romains, aux Galates ou encore les deux aux Corinthiens ? Parce que, par rapport à celles-ci, 1_ Tm, 2 Tm et Tt présentent des différences et des particularités diverses, la réponse la plus courante est plutôt négative, prenant parfois l’allure d’un d priori indiscu- table. Pour éviter ce piège, nous n’aborderons cette question qu’en fin de parcours, après avoir exploré le contenu de ces lettres et repéré les caractéristiques majeures.